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Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/274

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de toutes sortes d’événements graves. Il faut lire, dans l’ouvrage d’Azam, le récit bizarre d’une consultation médicale à propos de la première grossesse de Félida. La pauvre fille, pendant sa période d’excitation et de gaieté, s’était abandonnée à un jeune homme qui devait d’ailleurs être son mari; le réveil survint peu de temps après et ne lui laissa pas le moindre souvenir de cet incident. Comme sa santé s’altérait et comme son ventre grossissait, elle alla naïvement consulter M. Azam sur ses troubles singuliers. La grossesse était évidente, dit M. Azam, mais je n’osai pas l’en avertir. Quelque temps après, l’état II revint et Félida, s’adressant au médecin, s’excusa en riant de sa consultation précédente, car elle savait très bien maintenant de quoi il s’agissait.

Pendant la plus grande partie de sa vie ces deux périodes ont alterné et ce n’est que dans la vieillesse que l’une des deux périodes, la seconde, c’est-à-dire la meilleure, celle pendant laquelle le sujet était le plus actif et avait une mémoire totale, a empiété sur la première et a rempli à peu près toute la vie. Félida n’avait plus que rarement trois ou quatre jours de son ancien état appelé normal, mais alors sa vie était intolérable, car elle avait oublié les trois quarts de son existence et cela donnait naissance aux situations les plus comiques. Elle craignait de passer pour folle et se cachait avec angoisse jusqu’à ce qu’une nouvelle syncope la remit rapidement dans l’état le meilleur devenu habituel. Tels sont les grands traits de cette histoire devenue célèbre : on voit facilement en quoi elle diffère des observations précédentes. La figure schématique 5 en donne une image tout à fait caractéristique. Ce n’est plus un damier dans lequel les périodes d’oubli alternaient régulièrement avec les périodes de souvenir. On constate maintenant des bandes entièrement claires de plus en plus larges à mesure que la vie avance, dans lesquelles il n’y a aucune