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Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/368

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étrange, jamais vu », et, à mon avis aussi, dans les termes qui expriment le « déjà vu ». Sous toutes ces expressions variées, le malade dit toujours la même chose : « Il me semble que la pensée de ces hommes n’existe pas au moment où nous sommes, il me semble que ces objets ne sont pas réels, il me semble que ces événements ne sont pas actuels, ne sont pas présents ». L’essentiel du « déjà vu » est beaucoup plutôt la négation du présent que l’affirma-tion du passé[1].

Ce trouble fondamental se retrouve, à mon avis, non seulement dans les sentiments plus ou moins illusoires que le malade peut avoir à propos de ses perceptions; mais il est manifeste, même pour un observateur extérieur, dans les actions et les opérations mentales de ces personnes. Leurs fonctions psychologiques ne présentent aucun trouble dans les opérations qui portent sur l’abstrait ou sur l’imaginaire, elles ne présentent du désordre que lorsqu’il s’agit d’une opération portant sur la réalité concrète et présente. Il est visible que le passé, comme l’imaginaire et l’abstrait, apporte dans leur esprit un élément de facilité, tandis que « le présent fait l’effet d’un intrus ». Les troubles les plus accentués se rencontrent dans l’acte volontaire, dans la perception attentive des objets présent. Les indécisions de ces malades, leurs doutes si caractéristiques ne sont que d’autres aspects de ce même phénomène fondamental. Les malades agissent bien, mais a une condition, c’est que leur action soit insignifiante et n’ait aucune efficacité réelle. Ils peuvent se promener, bavarder, gémir devant des intimes; mais, dès que l’action devient importante, et, par conséquent, réelle, ils cessent de pouvoir agir, ils abandonnent

  1. À propos du « déjà vu », Journal de psychologie et pathologique, juillet 1905.