Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/52

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

oublié toutes les choses qui ne s’y rapportent pas directement. Il a perdu le souvenir des événements qui se sont passés depuis le fait qui l’a troublé et qui ont complètement changé les circonstances dans lesquelles il est placé, il ne sait pas qu’il a changé d’appartement, qu’il est venu dans un hôpital, il ne s’aperçoit pas qu’il tient son oreiller et non pas un enfant. De même, quand la crise est terminée, il a oublié toutes les sottises qu’il vient de faire et il se figure que nous les ignorons. Ce sont là des amnésies évidentes, mais d’ordinaire on se préoccupe davantage du phénomène de l’agitation mentale qui les accompagne et on ne les considère pas comme importantes. Dans d’autres cas, les amnésies occupent le premier plan, et elles se développent sans qu’il y ait en même temps une crise d’idées fixes bien nettes, elles constituent alors un symptôme maladif fort remarquable.

Amnésies systématiques. — Reprenons à ce propos l’observa-tion de cette jeune fille Irène qui joue dans son somnambulisme la scène de la mort de sa mère avec une telle précision apparente dans les souvenirs. Étudions-là dans l’intervalle des accès, dans la période où on se figure qu’elle est normal, nous remarquons bien vite que, même dans ces moments-là, il y a quelque chose de changé en elle; sa famille d’ailleurs le disait en l’amenant. « Elle est devenue insensible et indifférente, elle a bien vite oublié la mort de sa mère et ne se souvient même plus de sa maladie ». Cette remarque qui paraît surprenante, est pourtant bien vraie, cette jeune fille ne sait pas raconter ce qui l’a rendue malade pour un excellente raison, c’est qu’elle ne se souvient plus du tout des événements dramatiques survenus il y trois mois. « Je sais bien, dit-elle, que ma mère doit être morte, puisqu’on me le répète, puisque je ne la vois plus, puisqu’on m’a habillée en deuil, mais vraiment cela m’étonne. Quand est-elle morte? De quoi?