Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/53

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Est-ce que je n’étais pas près d’elle pour la soigner? Et puis, ce que je ne comprends pas, c’est que l’aimant comme je le faisait autrefois, je n’aie aucun chagrin de sa mort. je ne puis pas arriver à m’affliger, il me semble que son absence est insignifiante, qu’elle est en voyage, qu’elle va revenir ».

Il en est de même si on l’interroge sur un des événements quelconques qui ont empli les trois derniers mois avant la mort : la maladie, les accidents, les veilles, les soucis d’argent, les querelles avec le père ivrogne, tout cela a absolument disparu de son esprit. Si nous avions le temps d’y insister, il y a, dans ce cas, bien des choses curieuse : les sentiment filiaux, les sentiments d’affection qui ressemblent à ceux qu’elle éprouvait pour sa mère ont tous disparu. On dirait qu’il y a une lacune dans les sentiments comme dans la mémoire. Mais je n’insiste que sur un point, l’oubli ne porte pas seulement, comme on le croit d’ordinaire, sur la période du somnambulisme, sur la scène délirante, l’oubli porte aussi sur l’événement qui a donné naissance à ce délire, sur tous les faits qui s’y rattachent, sur les sentiments qui en dépendent.

Cette remarque très importante peut être faite sur la plupart des autres cas. He… qui a le délire de la lionne, a non seulement oublié cette période de somnambulisme, mais encore sa promenade au Jardin des Plantes qui lui a donné naissance. Sm., qui emporte son oreiller sur le toit en croyant sauver son enfant des griffes d’une belle-mère, ne se souvient plus de ses querelles avec cette femme, querelles qui sont pourtant le point de départ de cette maladie actuelle. J’ai recueilli à ce propos une observation singulière, où cette amnésie rétrograde accompagnant le somnambulisme est bien mise en évidence. Une jeune fille de dix-neuf, L…, a des crises de somnambulisme dans lesquelles elle parle d’argent, de voleurs, d’incendie,