Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/54

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et dans lesquelles elle appelle à son secours un certain Lucien. Réveillée, elle ne sait pas du tout ce que cela veut dire, et prétend que, dans sa vie, il n’y a aucun événement dans lequel il soit question de voleurs, d’incendie et de Lucien. Comme elle est venue seule à l’hôpital, nous n’avons pas d’autres renseignements et nous sommes forcés de croire qu’il s’agit là d’un délire imaginaire. Six mois après seulement, des parents viennent de province pour la voir, et nous racontent un événement survenu il y a trois ans, qui a été le point de départ de ses crises nerveuses. Elle était domestique dans un château qui a été une nuit volé et incendié et elle a été sauvée par un jardinier nommé Lucien. Comment cette jeune fille a-t-elle oublié un événement aussi grave, et n’a-t-elle jamais pu en parler quand elle racontait sa vie, et comment un oubli si singulier coïncide-t-il justement avec le développement de cette mémoire extraordinaire sur le même sujet qui remplit le somnambulisme? C’est là, croyons-nous, le fait essentiel.

Ce qui caractérise ce premier groupe d’amnésies, c’est qu’elles ne portent pas sur une catégorie de souvenirs bien distincte, comme le seraient les images d’un sens déterminé, les images auditives ou les images visuelles. L’oubli porte sur des images très variées se rattachant à un même événement, collaborant, comme disait M. Paulhan, a une fin commune; ce qui est oublié, c’est un système d’images, et c’est pourquoi on peut désigner ce premier groupe sous le nom d’amnésie systématique. Nous aurons l’occasion de revoir un grand nombre d’amnésies de ce genre à propos des diverses paralysies; il suffit de constater ici leur existence.

Amnésies localisées. — Chez les mêmes sujets, dans des circonstances à peu près semblables, on peut observer plus facilement peut-être des amnésies un peu différentes. Celles-ci ne portent pas uniquement