Page:Janet - Les névroses, 1909.djvu/61

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d’importance aux événements extérieurs. Cette distraction détermine un certain degré d’amnésie continue, c’est-à-dire un certain oubli d’une partie des événements récents, mais on n’observe pas là la netteté des amnésies hystériques portant sur tous les faits d’une période déterminée.



FIG. 3. — Schéma d’un cas d’amnésie rétrograde et continue, celui de Mme D.., pendant quatre ans.


Si ces malades ne présentent pas les amnésies précédentes, on peut se demander s’il y a chez eux un symptôme correspondant à l’amnésie des hystériques, s’ils y a une insuffisance intellectuelle analogue se manifestant sous une autre forme. Je crois qu’il y a chez ces malades un phénomène très important qui correspond exactement à l’amnésie : c’est le doute. Déjà, dans la crise d’obsession, le doute apparaissait, comme précédemment l’amnésie accompagnait les idées fixes. L’obsédé, disions-nous, n’accepte pas complètement son idée délirante, il n’obéit pas à l’impulsion, il n’est pas halluciné, il est tout prêt à déclarer son obsession ridicule; mais tout cela n’empêche pas qu’il s’en préoccupe, qu’il y pense sans cesse. Il y croit donc d’une certaine manière, mais il n’y croit pas complètement; il est à son propos dans un état de doute des plus pénibles.

Le doute s’étend beaucoup plus loin, il détermine une foule de troubles mentaux que l’on pourrait rattacher aux précédents, comme une forme d’obsession incomplète, mais qu’il est plus intéressant de réunir ici avec tout ce qui concerne le doute. Ce sont des agitations de la pensée, des tics intellectuels, comme les appelait Azam, ou simplement des manies mentales, suivant l’expression du vulgaire qui me semble suffisamment claire. Ce sont des opérations intellectuelles interminables à propos de très petites choses qui occupent dans l’esprit du sujet une place tout à fait disproportionnée avec leur importance réelle[1].

  1. Une description complète des manies mentales se trouve dans le premier volume de mon travail sur « les obsessions et la psychasténis », p. 106; je ne puis donner ici que quelques exemples.