Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/100

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était le fond de l’ordre, il avait aussi ses chevalières ; et sitôt qu’une place était vacante, accouraient les aspirants des deux sexes, tant la flatterie est ingénieuse. Enfin, très sérieusement, les droits de chacun étaient disputés dans un chapitre dont Mme la duchesse du Maine était la présidente, et M. de Malézieu le secrétaire perpétuel.

Donc il advint qu’une place, étant vacante, fut briguée à la fois par Mme la duchesse d’Uzès, Mme la comtesse de Brissac et M. le président de Romané. Celui-ci ayant été préféré à ses belles concurrentes, chacun, dans le palais, criait à l’injustice, ajoutant que l’élection du président était contre toutes les lois de la chevalerie. Au plus fort de la dispute, apparut une protestation écrite en termes de palais et dans l’accent de la chicane, et telle, qu’elle n’eût point déparé la plus jolie scène des Plaideurs, de M. Racine. Aussitôt l’on cherche, on s’inquiète : à qui donc attribuer ce charmant factum ? Les uns disaient : C’est M. de Malézieu ; les autres : C’est l’abbé Genest. Pas un ne se fût douté que tant de bel esprit fut caché dans l’antichambre, et comme on cherchait toujours, la main qui avait lancé le factum afficha ces jolis vers à la porte du salon d’Hébé :

  
N’accusez ni Genest, ni le grand Malézieux,
D’avoir part à l’écrit qui vous met en cervelle ;
L’auteur que vous cherchez n’habite point les cieux.
Quittez le télescope, allumez la chandelle,
Et fixez à vos pieds vos regards curieux :
Alors, à la clarté d’une faible lumière,
Vous le découvrirez gisant dans la poussière.


Bientôt, comme il fut impossible de découvrir l’auteur de la prose et des vers, on cessa d’en parler, et Mlle de Launay, plus triste que jamais, après ce moment d’une