Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/99

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

s’efforçait de bien faire, et moins elle était au niveau de sa tâche. Une fois qu’elle versait à boire à la princesse, elle jeta l’eau sur sa robe ; une autre fois, comme elle lui présentait sa boîte à poudre, elle laissa tomber la boîte ; ou bien elle oubliait un manche à la chemise, et, s’il fallait ôter de son écrin le collier de la princesse, elle renversait perles et pierreries. Tout allait mal. Puis elle avait froid, elle était triste, elle répondait mal à ses camarades ; elle aimait à lire, les femmes de chambre la troublaient dans ses lectures. Il fallait plaire à celle-ci, ne pas déplaire à celle-là, visiter les désœuvrées, leur faire une espèce de cour et jouer à des jeux qui leur plaisaient. Que vous dirai-je ? elle était si malheureuse en ce château des splendeurs, qu’elle en fût sortie, et pour n’y plus rentrer, si elle n’ont pas trouvé sur sa table un petit billet anonyme et d’une écriture contrefaite, dont elle eut bientôt deviné l’auteur :

« Prenez patience ; ayez bon courage ; on veille sur vous. On se rappelle les temps heureux où vous n’étiez aux ordres de personne, où vous donniez des ordres et n’en receviez pas... »

Pendant deux ou trois jours, la jeune abandonnée eut une certaine espérance ; elle se disait que sa servitude, avec le temps, deviendrait moins pesante ; elle espérait toujours que la princesse comprendrait qu’elle avait à ses ordres une fille au-dessus de sa condition. Sur l’entrefaite, il y eut un petit événement qui la mit quelque peu en lumière. A la façon du roi Louis XIV, qui avait tiré un si grand parti, pour ses dernières guerres, de la création des chevaliers de Saint-Louis, Mme la duchesse du Maine avait institué l’ordre de la Mouche à miel. Cet ordre, aussi bien que l’ordre du Saint-Esprit, avait ses lois, ses statuts, ses chevaliers ; mais comme la galanterie