Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/145

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commandant Martin, le seul homme qui eut une histoire à raconter, ne la raconta pas.

La fin de la soirée fut consacrée aux principaux fonctionnaires, non moins qu’aux plus belles personnes de la ville de Caen. M. le premier président d’Orival et Mme Morton, la jeune femme de l’avocat général, furent cités pour leur hospitalité généreuse. Plusieurs jeunes gens, d’une seule épaulette, plus redoutable que les épaulettes étoilées, proclamèrent le nom des belles danseuses : Mlle Sophie et Mlle Marie, enfants de l’Hôtel de ville, et la belle entre les belles, Mlle Amélie avec sa sœur Aurore.

— Quant à moi, disait un sous-officier de la veille, je ne trouve rien de plus charmant que Mlle Mariette, l’honneur et la grâce de la maison du général de Beaulieu.

Et la conversation s’empara du général ; les uns disaient que c’était l’un de nos meilleurs officiers généraux, les autres affirmaient qu’il était dur et sans pitié.

— Il n’est pas juste.

— Il n’a fait de bien à personne.

— Il a brisé les plus belles carrières, disaient ceux-ci.

— Au contraire, affirmaient ceux-là, le général de Beaulieu est la bonté même...

Au demeurant, les uns et les autres se rappelèrent qu’ils devaient le lendemain leur première visite au général commandant la ville de Caen.

Le lendemain, sur le midi, à l’heure militaire, le colonel, suivi des officiers en grande tenue, frappait à la porte de M. le lieutenant général comte de Beaulieu. Ces messieurs furent reçus dans le grand salon, orné d’une vieille tapisserie où l’on voyait l’histoire de Macette. L’appartement était vaste et sombre. Le colonel présentait ses officiers ; ceux-ci saluaient, et le général disait un mot agréable à chacun. Quand vint le tour du comma