Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/146

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ndant Martin, le colonel le présenta au général en le nommant d’une voix brève :

— Et si vous n’avez pas reçu plus tôt la visite du régiment, mon général, la faute en est au commandant, qui s’est fait attendre.

Ce manque inusité de courtoisie, à propos d’un tel homme en un pareil moment, fut assez mal reçu dans toute la compagnie. Heureusement le général, très brave homme et très juste en dépit de tous les discours, s’approchant du commandant :

— A coup sur, lui dit-il, vous êtes l’officier Martin, le ressuscité de Solférino. Faites-moi l’honneur de me donner la main. Si vous êtes arrivé trop tard dans notre garnison, au moins vous avez ramené tout votre monde, bêtes et gens, sans oublier le corbeau du régiment. Vos devanciers ont laissé vingt hommes dans les hôpitaux civils et militaires. Soyez donc le bienvenu, mon cher commandant. Mais comment se fait-il qu’après vos belles actions d’Italie vous ayez été si mal récompensé ? Je suis-là, Dieu merci, pour rappeler vos droits et vos services. Comptez donc sur mon zèle et mon amitié.

Ces nobles paroles furent accueillies par un murmure approbateur.

— Mon général, répondit le commandant Martin, me voilà payé de toutes mes peines. A quoi bon la récompense ? elle ne peut rien ajouter à l’honneur que vous me faites. Tant pis pour moi, qui n’ai pas trouvé pour me défendre et me protéger quelque protectrice à la mode. Elles font les colonels, elles défont les capitaines.

Comme il achevait de parler, la gardienne du logis, se précipitant dans le salon avec des cris joyeux, monta sur la table et couvrit le bon Martin de ses plus vives tendresses. Sa joie allait jusqu’au spasme, et, pour peu qu’on