Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/175

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réduite à divertir l’antichambre ! » et des larmes soudaines envahirent ses grands yeux pleins d’éclairs.

Chaque jour, comme on voit, amenait sa curiosité, grande ou frivole.

Aujourd’hui, Despréaux prononce un discours à l’Académie, et le roi lui sait bon gré de ses belles paroles.

Huit jours après, le roi est à Chambord avec Molière, chargé du divertissement. On vient dire au roi que le bonhomme Corneille est mort la veille, et le roi qui le laissait mourir de faim, ne s’inquiète guère du poète, impérissable honneur du grand siècle.

Le même jour, disparaît le bonhomme Mignard, presque centenaire. Il était premier peintre du roi. Toutes les gloires et toutes les beautés du siècle de Louis le Grand avaient posé devant l’infatigable artiste.— On perdit, le même soir, M. Nicole, un des grands écrivains de Port-Royal, le digne ami de M. Arnauld. Vous trouverez dans toutes les lettres de Mme de Sévigné le nom austère et charmant de M. Nicole. A toutes les grâces d’un écrivain très élevé, il unissait l’accent même et la foi d’un chrétien. Très bonhomme, il disait un jour à M. Arnauld, qui lui proposait un grand travail :

— Mais enfin, Monsieur, je voudrais bien me reposer avant de mourir !…

— Y pensez-vous, Monsieur, s’écriait M. Arnauld, vous avez toute l’éternité pour vous reposer !

Courageuse et fière parole ! Ces noms-là ne plaisaient guère aux oreilles du roi ; les meilleurs esprits de sa cour s’entretenaient tout bas des vertus de Port-Royal.

Mais voici bien une autre mort, et celle-là irréparable. On apprenait, le jeudi 26 avril 1696, que Mme la marquise de Sévigné venait de mourir dans le château de Grignan, sans que pas un, autour d’elle, et sa fille elle-même, eût