Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/208

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

i, demain, toujours : « Non, non, se dit-il, c’est impossible ! » aussi découragé qu’un enfant qui prend le plus proche horizon pour la fin du monde. On composerait une liste originale de très bons écrivains qui se sont arrêtés net au bout du premier sentier.

Mais c’est surtout dans l’art dramatique et parmi les jeunes adeptes de la comédie, ignorants du danger, que se fait sentir un découragement mortel. L’accès est si difficile en ces théâtres, obérés pour la plupart, et qui n’ont pas le temps d’attendre. Il leur faut tant d’argent et tout du suite ! Ils sont si parfaitement incapables de se dire, à l’aspect d’un talent qui vient de naître : « Attendons, faisons-lui place, il aura bientôt son tour. » Non, non ; en vingt-quatre heures, il faut réussir. Tout de suite il faut dominer le caprice et la volonté d’un parterre habitué aux plus vieux effets du mélodrame, et si le jeune homme est vraiment nouveau, si son œuvre a l’accent vrai de la jeunesse, et s’il découvre un petit recoin où pas un, sinon les maîtres, n’a passé avant lui, que d’obstacles encore, et comme il doit se féliciter lorsque enfin, par une suite incroyable de petits bonheurs, il arrive à se dire : « On m’écoute, on me suit, le publie sourit à mon œuvre ; à la fin donc je suis le maître absolu des passions et des volontés d’alentour ! »

Tel était, aux environs de la révolution de 1830, l’aimable et charmant écrivain que nous allons mettre en scène à son tour, et dont le souvenir est resté cher à tous les honnêtes gens qui ont eu l’honneur et le bonheur d’être au rang de ses amis. En venant au monde, il avait apporté les merveilleux instincts du poète comique, à savoir : le dialogue et le trait, le sourire et l’invention. Dédaigneux des chemins frayés, il avait commencé par découvrir les mondes nouveaux dans lesquels sa comédie était appelés, et dans ce