Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/209

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monde à part de son invention il avait convoqué des personnages, non pas nouveaux (l’espèce humaine est si vieille, obéissante à de si antiques passions), mais des personnages d’un aspect tout nouveau. Il se servait à plaisir des modes, des travers, des accidents, des opinions de chaque matinée, et, les retraçant d’un crayon léger, il en faisait une image heureuse et ressemblante. Il ne visait pas au chef-d’œuvre, à l’image impérissable, aux grands caractères agissant dans une longue action dramatique, et cependant il finit sans le vouloir, et presque sans le savoir, par atteindre aux honneurs de la grande comédie. A l’heure où cette histoire va commencer, ce modeste ambitieux se contentait volontiers d’une scène agréable et d’un tableau de genre, où des amoureux du vingt ans, le jeune homme en habit du matin et la fillette en négligé, se chantaient d’innocentes chansons.

Mais quoi ! tout le beau monde parisien qui échappait aux violentes émotions de l’Empire, lassé de gloire et de victoire, de lauriers et de guerriers, acceptait franchement cette heureuse comédie en tablier vert, la tête à demi couverte d’un simple chapeau de paille d’Italie. On y respirait une si douce odeur de roses naissantes, de lait chaud et de foin nouveau ! Dans ces bosquets enchantés, les oiseaux de nos jardins chantaient leurs plus douces chansons, et si par hasard on y rencontrait un des vieux soldats de l’Empereur tombé, c’était, le plus souvent, un vieux capitaine, ami de la jeunesse heureuse, paisible confident de petits malheurs qu’il finissait par consoler. Tout chantait, tout souriait dans ces premières comédies que le jeune homme avait rencontrées si plaisantes dans les premiers battements de son cœur. Donc, il effaça sans peine et sans effort tous les faiseurs