Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/237

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façon de l’ouragan, en débitant, avec de grands gestes, un compliment copié dans le Secrétaire des amants.

— Ah ! belle dame, avait-il dit, et tant et tant il avait remercié la belle dame d’encourager ses espérances, il sentait au fond de son âme une telle joie, et, sans attendre une réponse, il faisait de si beaux serments, pendant que chacun l’écoutait, et que tout bas on murmurait : « Il est charmant ! »

Dieu sait cependant que la veuve n’écoutait guère les déclarations de ce pleutre. Elle l’avait jugé d’un coup d’oeil ; rien qu’à le voir, elle avait compris qu’elle n’appartiendrait jamais à ce bellâtre. Et pourtant comment faire, et comment se dépêtrer de ces mille étreintes qui, depuis tantôt trois mois, la serraient et la pressaient de toutes parts ! Le voilà donc ce grand Romain, cet esprit tant vanté ! Certes, elle ne l’avait point appelé, mais elle l’avait laissé venir ; elle avait souffert qu’on l’invitât en son nom. Même ce dîner d’aujourd’hui, il était donné tout exprès en l’honneur de M. Romain. Jamais elle n’avait mieux compris qu’en ce moment la solitude et l’abandon de son veuvage, et comment chacun de ses prétendus amis semblait conspirer contre son repos. Elle était seule au monde. Un parent de son mari, qui l’aurait pu défendre, était tombé dans les abîmes du vice et de la misère ; elle le tenait éloigné d’elle à la faveur d’une pension payable à Paris. Aussi bien, quand Javotte entra, disant :

— Madame, voici votre cousin de Paris !

La pauvre femme imagina que c’était son pensionnaire, et, fermant les yeux pour ne point le voir : « C’est à ce coup, se disait-elle, que j’arrive au comble de l’humiliation. »

Bref, l’infortunée en avait tout ce qu’elle pouvait