Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/30

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temps subits, ne sont pas fâchés de rencontrer ces remparts naturels contre la pluie et le vent de bise. « Attendons une éclaircie et nous regagnerons le château, disait la reine en grelottant. »

Cependant tout au loin il leur sembla qu’une barque légère, abaissant au vent, allait d’une vague à l’autre et s’approchait du rivage en louvoyant.

« Sire, disait la reine au roi, voyez-vous ce berceau qui flotte ? — Oui-da, reprit le roi, ce n’est pas un berceau, c’est une barque, et pour peu que Votre Majesté daigne y prêter sa royale attention, elle aura bientôt reconnu le pilote au gouvernail et cette voile empourprée où le vent souffle à perdre haleine ! »

A ce bon mot qu’il avait trouvé sans le chercher, le roi Lysis daigna sourire. Ils ressemblent en ceci au reste des humains, les rois d’esprit, rien ne les amuse autant que leurs propres bons mots.

Après une pose : « Sire, dit la reine, avec votre permission, j’insiste et je dis que cette barque est un berceau ; je vois des couvertures brodées, un petit oreiller garni de dentelle, une menotte d’enfant qui tient un hochet de cristal. — Et moi, ma reine, avec votre permission, je vois le bateau, la voile et le pilote au gouvernail. »

Comme elles allaient se disputer, Leurs Majestés virent aborder au pied de la roche, et cette fois ils furent d’accord, un bateau qui était en même temps un berceau, un berceau qui était tout ensemble un bateau. Au même instant, le soleil sortit du nuage, et tout se calma dans cette immensité ; ce fut un véritable enchantement.

Il faut pourtant que vous sachiez que le roi Lysis et la reine Lysida comptaient plusieurs points noirs dans leur très heureuse vie, et leur premier chagrin était de n’avoir pas d’enfants. Pas d’enfants, rien n’est plus tris