Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/31

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te ! Il est vrai que bien des pères de famille, sitôt que leur fillette est maussade ou que leur garçon est entêté, pour peu qu’ils aient mis au monde un gourmand, un paresseux, un menteur, un porteur d’oreilles d’âne : « Mon Dieu ! mon Dieu ! disent-ils, que les pères qui n’ont pas d’enfants sont heureux ! » Et voilà comme, ici-bas, les hommes et les femmes ne sont jamais contents.

La reine et le roi eurent bientôt quitté leur roche et gagné le rivage ; et pensez s’ils furent heureux, quand ils découvrirent dans ce berceau un beau petit garçon de trois ou quatre ans qui leur tendit les bras. Tout d’abord, la reine s’empara du petit naufragé pendant que le roi, qui tenait à ses idées, s’écriait : « Je savais bien que c’était un bateau, car voici le pilote ! » Or, le pilote était un épagneul rare et charmant ; sa queue était orange, et de ce beau panache il se servait comme un nautonnier de voile et de gouvernail. Sa robe était blanche et noire, il portait à son front une étoile. Enfin, que vous dirai-je ? il n’y avait rien de plus joli que cet épagneul venu de si loin, dans un attirail si nouveau. « A moi l’enfant ! disait la reine.— A moi le bateau ! » disait le roi. Et voilà comme ils rentrèrent, tout joyeux et les mains pleines, en ce château dont ils étaient sortis les mains vides. Il faut vous dire aussi que l’épagneul, très fatigué, s’était endormi sur l’oreiller du jeune enfant. « C’est un peu lourd, disait le roi, mais je suis trop content de ma trouvaille pour déranger ce bel épagneul. »