Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/38

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« Allons, vous le voulez ! » dit-il à la vieille ; elle marcha la première, il la suivit sans remarquer les épines et les ronces qui tantôt rayaient son front et tantôt menaçaient ses yeux. Oh ! miracle excellent de la charité ! plus il marchait, plus le fardeau semblait léger à ses jeunes épaules ; de cet amas de chardons et d’épines sortait une suave odeur de menthe et de violette des champs ; il s’enivrait de sa bonne action. Une bonne action est une féerie, elle embellit toute chose. « C’est là, dit la vieille, en s’arrêtant sur un seuil silencieux.— Quoi, déjà ! » reprit le jeune homme. Au même instant la porte s’ouvrit, et l’on vit apparaître une charmante enfant vêtue à la façon des princesses d’Asie. « Avouez, disait la vieille en rangeant son fagot près de la cheminée, que vous n’êtes pas fâché d’être venu en aide à cette enfant de la fille que j’ai perdue ? Elle est toute ma joie, et pour que rien ne lui manque, volontiers je demanderais l’aumône. » En même temps, d’un souffle encore vigoureux, elle soufflait sur la flamme éteinte, et le bois pétillait en mille étincelles : « Mon jeune maître, attendez, disait la vieille, et vous aurez des châtaignes dans un verre de lait chaud. » Ils firent à eux quatre, en comptant ce digne Azor, le meilleur repas qu’ils eussent fait de leur vie. Et quand ils se séparèrent, ils se promirent de se revoir sous le chaume en hiver, sur le bord des épis dorés, au mois de juin.

Le lendemain de cette heureuse journée, le roi Lysis, la reine Lysida, le jeune homme et le caniche se promenaient sur le rivage où murmuraient doucement ces flots d’azur. La vieille en ce moment vint à passer tenant par la main sa petite fille à demi rougissante ; elles firent de leur mieux, l’une et l’autre, un salut à Leurs Majestés ; puis, la vieille ayant complimenté la reine et le roi de