Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/37

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

corbeau à prévoir la pluie et le beau temps.— « Je veux aussi qu’il apprenne à respecter les vieilles gens, disait le bon épagneul ; il sera complet si jamais il se montre aussi bon qu’il est habile et courageux. »

Justement, passait dans le sentier qui revient de la forêt, une humble vieille aux cheveux tout blancs, aux mains tremblantes. Elle portait, sur son épaule voûtée, un lourd fardeau d’épines qu’elle avait ramassa, brin à brin, dans la forêt, et d’un pas chancelant elle regagnait sa cabane. Hélas ! il y avait encore bien loin de ce lieu au désert habité par la vieille ; elle était harassée, elle s’avouait vaincue.

« Ah ! malheureuse, je n’irai pas plus loin, disait-elle, et comment se chauffera ma petite Rachel ! »

En ce moment passa le jeune homme suivi de son fidèle Azor. Noémi était mécontent, il avait fait mauvaise chasse et s’en revenait les mains vides. Ce fut pourquoi sans doute il continua son chemin sans regarder la vieille et son fardeau. Mais celle-ci : « Mon enfant, dit-elle (elle disait cela d’un ton sévère), il est mal à vous de ne pas faire au moins quelque attention à une malheureuse femme qui pourrait être votre aïeule ; avez-vous donc le coeur assez dur pour m’abandonner au milieu du chemin, en proie à tant de misère, et ne m’aiderez-vous point à porter mon fardeau ?... » Il faisait la sourde oreille, il avait froid, il avait faim et n’était pas touché du froid et de la faim de cette infortunée. Azor, disons mieux, Mentor, voulant donner cette leçon de bonté à son élève, poussait de son mieux le fagot d’épines et déjà son museau était tout en sang... « Mauvais coeur, disait la vieille, il n’a pas honte de recevoir de son chien cette leçon d’humanité ! » La leçon ne fut pas perdue, et Noémi, revenant sur ses pas, chargea le fagot sur ses épaules :