Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/49

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de damas bleu et blanc, six chaises en tapisserie, deux fauteuils, un crucifix, le portrait du père et de la mère de notre châtelain. J’ai vue sur l’eau et sur le parc ; mais mon cabinet de toilette est délicieux. Il a deux fenêtres étroites, dont l’une est au nord, et donne sur la partie la plus large du fossé et sur un paysage charmant. Il est meublé en indienne, bleu et blanc, a une cheminée et une petite glace. C’est là que couche ma gouvernante, Mlle Jaillié. »

Lorsqu’il fallait se mettre au niveau des bonnes gens de la campagne et partager leurs amusements, la belle Laurette était la première à les encourager : « Il y avait eu, le matin, dans notre village, un mariage auquel nous avions assisté ; et, le soir, toute la noce était venue danser au château. La mariée n’est point jolie ; elle n’a que de belles dents et vingt-deux ans. Le marié est fort laid aussi, trente-cinq ans, et n’est point de ce village-ci. J’ai presque toujours dansé avec lui, et mon cousin avec son épouse. Ils viennent encore ici aujourd’hui pour faire le lendemain. »

Et, pendant que cette aimable enfant s’amuse avec tant de belle grâce innocente, déjà la mort s’avance. Elle souffre, elle est malade ; elle éprouve un je ne sais quoi qui est semblable à l’ennui. Sa jeune amie et confidente, hélas ! la voilà qui se marie. Un jeune homme, un certain Lucenax, son cousin, au cœur tendre, à l’esprit frivole, a délaissé la charmante Laurette. Il aime ailleurs. Il va, il vient ; on lui pardonne : « Zest ! le voilà qui s’échappe encore ! » Elle pleure, elle rit, elle oublie.

Peu à peu, cela devait être, au fond de ces rires on entend le sanglot.

L’enfant déjà n’est plus qu’une fille sérieuse, obéissant aux tristesses d’alentour. A peine elle a dix-neuf ans, qu’elle dirait volontiers, comme autrefois Vale