Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/58

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A ce récit, tout rempli de courage et de résignation, les dames de Saint-Sauveur répondirent qu’elles emploieraient la mère à la lingerie et qu’elles adopteraient la jeune enfant. Mais la mère était morte après une lutte désespérée de quinze mois contre le mal qui l’envahissait, elle mourut en bénissant ses bienfaitrices et leur recommandant son enfant. La jeune fille avait grandi dans l’intervalle, et le bien-être et l’amitié de tant de bonnes mères adoptives avaient affermi sa santé chancelante. Elle était devenue assez jolie et toute mignonne ; elle était un véritable jouet pour les jeunes novices, dont elle remplaçait la poupée. Elle était tout le long du jour admirée et choyée ; on obéissait à ses moindres fantaisies, et sa plus légère parole était comptée. « Ah ! disaient les bonnes dames, qu’elle a de grâce et qu’elle a d’esprit ! Elle est charmante ; » et c’est à qui redoublerait de tendresse.

Seule, Mme l’abbesse était réservée avec cette enfant. Elle disait que toutes ces louanges auraient bientôt gâté le meilleur naturel ; que mieux eût valu munir cette orpheline contre les embûches et les pièges du dehors ; qu’elle aurait bientôt sa vie à conduire et son pain de chaque jour à gagner... Mais c’étaient là de vaines paroles ; le couvent n’avait pas d’autre enjouement et s’en donnait à cœur joie. Et plus l’enfant grandissait, plus grandes étaient les tendresses ; ces dames se disputaient le bonheur de lui apprendre à lire, à écrire, et les belles histoires qu’elle lisait dans Royaumont, tout rempli des plus belles images. Quelques-unes de ces dames, plus savantes, enseignaient à ce jeune esprit, celle-ci la géographie, et celle-là les premières notions des mathématiques. Des veuves retirées du monde, et qui n’acceptaient du cloître que le silence et la solitude, attendant l’heure où leur deuil se changerait en grande parure, avaient