Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/83

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airain, tableaux, médailles, et les plus beaux livres qu’il pouvait trouver à son usage. En même temps il lui semblait qu’en se rapprochant du peuple de Paris, il en comprenait plus vite et beaucoup mieux les passions, les besoins, les espérances. Il aimait le peuple, il tenait à sa faveur ; il disait que Versailles était déjà bien loin des grands faubourgs. Pas un politique en ce moment, dans l’Europe entière, n’était plus actif et plus occupé que M. le régent. De cette grandeur inattendue et pour lui si nouvelle, qui lui était échue en partage aussitôt que le Parlement de Paris eut cassé le testament de Louis XIV, M. le régent avait profité pour vivre, un peu plus qu’il n’avait fait jusqu’alors, en vrai bourgeois de Paris. Toutefois, ses favoris, ses amis et surtout son commensal M. de Fontenelle, avaient gagné à ces changements une certaine apparence d’autorité qui ne lui déplaisait pas.

M. de Fontenelle reçut poliment d’abord, et bientôt avec bienveillance la jeune personne que lui adressait Mme de La Croisette. Il fut touché de sa modestie et charmé de ce beau regard sincère et vrai qui promettait tant de reconnaissance et de respect. Et quand la jeune fille, enfin un peu remise de son émotion, se fut assise à côté du célèbre écrivain :

— Vous voilà, lui dit-il, bien abandonnée et malheureuse de bonne heure, et je ne saurais vous dissimuler que mon amie Mme de La Croisette est une tête volage. Ainsi prenez garde ; écoutez-moi ; n’acceptez pas toutes les recommandations et toutes les protections. Si j’obéissais, moi qui vous parle, aux recommandations qui me sont faites, je vous présenterais à Mme la duchesse d’Orléans, qui est une méchante, à Mme la duchesse de Berry, qui est une folle, et vous chercheriez votre voie à travers toutes ces vanités, tous ces orgueils, toutes ces ambitions