Page:Janin - Contes, nouvelles et récits, 1885.djvu/84

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misérables, tous ces enfantillages qui pourraient vous perdre. Allons, ne tremblez pas ; nous saurons bien trouver quelque part un abri digne de votre jeunesse et de votre innocence, ajoutons : de votre courage et de votre résignation. Je serai, s’il vous plaît, votre ami, et je vous chercherai une condition dans laquelle vous serez à l’abri des bruits et des vices de notre cour.

Et, comme à ces sages paroles la pauvre enfant restait interdite, M. de Fontenelle écrivait de sa main nette et prompte un billet à l’adresse de Mme la duchesse de La Ferté.

— Mme la duchesse de la Ferté, disait Fontenelle à Mme de Launay, habite encore à Versailles. Portez-lui le billet que voici et tâchez de lui plaire. Elle est toute-puissante, elle est sage, elle aime avant tout la simplicité et le bon sens. Permettez donc ici que je vous donne un bon conseil : c’est de ne pas ressembler au portrait que fait de vous Mme de La Croisette ; elle vous donne à moi comme une savante, et moi je vous présente à Mme de La Ferté comme une ingénue. Ainsi, redoutez de paraître une savante, ayez recours aux expressions les plus simples, et rappelez-vous que les dames les plus suivies sont contentes de rencontrer qui les écoute. Un peu plus tard, quand vous aurez montré que vous êtes habile et prudente, il vous sera permis de laisser entrevoir que vous êtes une personne intelligente et d’un rare esprit.

Voilà comme il parlait, d’une voix douce et d’un accent pénétré. Mlle de Launay, en toute hâte, se rendit à Versailles. Tout chemin y menait alors ; on eût dit que Versailles, même après la mort du roi, était resté l’unique but des passions, des curiosités et des ambitions humaines. Déjà cependant de grands changements s’étaient opérés dans ces demeures royales ; celui qui les remplissait de