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LITTÉRATURE DRAMATIQUE.

avait traversé, lui aussi, trois règnes si différents. Tout vieux qu’il était, il sut prédire la révolution qui s’avançait, et à chaque faute de l’autorité royale, il demandait tout haut ce qu’eût pensé Louis XIV ? Enfin il mourut, assez à temps pour ne pas voir s’en aller en fumée cette puissance royale à laquelle il tenait par tant de liens ; il avait quatre-vingt-douze ans ; il fut enterré à la Sorbonne, auprès du cardinal son grand-oncle.

Comme le cardinal de Richelieu, le maréchal de Richelieu représente tout son siècle ; il en a le courage et la prévoyance ; il en a l’habileté, le charmant égoïsme, l’abandon, la bonne humeur. — Il aime et il recherche le scandale ; il est prodigue et n’est pas libéral ; il est fier sans être insolent ; il porte, dans les choses sérieuses, une ironie sans fard, et dans les choses frivoles une gravité imperturbable. Philosophe à ses heures, mais philosophe, tant que la philosophie ne touchait pas à ses privilèges, il n’eut pas la stupidité de ces grands seigneurs qui s’abandonnèrent eux-mêmes, et qui se dépouillèrent de leurs propres mains, sans comprendre l’étendue et la vanité de leurs sacrifices. Les femmes l’aimaient à ce point, que plusieurs, même quand il fut vieux, ne voulurent pas mourir sans lui laisser dans leur testament un gage de leur amour d’autrefois. Il a eu des mots charmants. Comme il se mourait, sa jeune femme lui disait : Vous avez bon visage ! — Vous prenez donc mes yeux pour un miroir, lui dit-il. Un jour qu’il avait mis aux abois une dévote assez laide, — Vous le voyez, lui disait-elle, pour vous je me perds. — Et moi, lui répondit-il en s’enfuyant, je me sauve. On l’a comparé à Alcibiade ; il en a les charmants défauts, les vices nombreux, l’esprit et le courage ; en un mot, c’est là un de ces hommes admirablement organisés, et tout préparés à subir la louange et la satire, l’adulation et la calomnie. Ce qui est le sort de tous les esprits supérieurs. »

Ceci dit, à propos de la comédie du citoyen Monvel, rien n’était plus facile (et je n’y manquais pas) que de relever une à une les turpitudes, les absurdités et les mensonges de cette honteuse comédie. Que de cruautés inutiles, que de recherches odieuses, quels mensonges entassés dans ces cinq actes ! Le dernier valet du pavillon de Hanovre en eût été déshonoré.

« Otez le nom du maréchal de Richelieu de cette comédie, et vous n’avez plus qu’un homme à bonnes fortunes du plus méchant