Aller au contenu

Page:Janin - Histoire de la littérature dramatique, t. 2, 1855.djvu/15

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

fête de votre esprit ! — Ô bonheur ! tout n’est pas mort dans ces catacombes. Ô bonheur ! il y avait dans ce nuage une lueur, dans ce silence un bruit, dans ce cadavre une âme ; le feu est resté dans ces cendres éteintes. Ô mort ! où est ta victoire ? Esprit, j’ai retrouvé ton aiguillon !

Voilà comment, peu à peu, je suis venu à bout de cette œuvre de ténèbres, et bien m’en a pris d’avoir été fidèle à tout ce que j’aimais ; bien m’en a pris de n’avoir juré par aucun maître, et d’avoir obéi uniquement aux convictions de mon esprit, aux penchants de mon cœur, n’acceptant pas d’autre volonté et d’autre caprice que les volontés et les caprices d’une imagination qui avait pris les habitudes les plus calmes et les plus régulières. Ces habitudes loyales d’un travail plein de conscience et de zèle, la critique les impose et bien vite, même aux esprits les plus disposés à la tentation et aux libertinages du hasard.

Vous avez vu, dans le premier tome de ce dépouillement, les premiers essais de cette muse à pied qu’on appelle la muse du feuilleton ! Maintenant nous aborderons, s’il vous plaît, un terrain plus solide que le terrain de la fantaisie. À Dieu ne plaise, cependant, que nous lui donnions un congé définitif à cette folle du logis ; elle nous a ouvert, de sa main complaisante, les longues avenues qui nous devaient conduire à l’analyse des œuvres sérieuses ; elle a été, bien souvent le repos, et la consolation du lecteur fatigué d’analyse, — et que de fois, quand j’allais commencer une critique à perte de vue, — ai-je reçu de la fantaisie un bon et fidèle conseil ; le conseil même que la muse badine donnait au poète Horace à l’heure où il voulait tenter les hasards de la haute mer :

Phœbus volentem prælia me loqui
Vicias et urbes, increpuil lyra
Ne parva lyrrhenum per aequor
Vela darem…

Soyez prévenus cependant que nous entrons dans les domaines fleuris de la comédie, à la suite de mademoiselle Mars, et que bientôt nous marcherons dans les sentiers sanglants de la tragédie, à la suite de mademoiselle Rachel. Car ce fut la chance heureuse du feuilleton de rencontrer mademoiselle Mars à son apogée,