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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/11

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elle a trouvé que ce n’était là qu’une bizarrerie usée, sans vouloir comprendre que je n’avais pas trouvé de titre plus exact.

Elle a repris son air affable quand je lui ai juré sur mon âme et conscience que, malgré ce titre bizarre, il ne s’agissait rien moins que d’une parodie ; que le métier de loustic littéraire ne convenait nullement à mon caractère et à ma position ; que j’avais fait un livre sans vouloir nuire à personne ; que si mon livre était par malheur une parodie, c’était une parodie sérieuse, une parodie malgré moi, comme en font aujourd’hui tant de grands auteurs qui ne s’en doutent pas plus que moi-même je ne m’en suis douté.

Mais tout à coup son visage redevint sombre et soucieux quand, forcé de lui répondre de nouveau, je lui expliquai que j’avais écrit de sang-froid l’histoire d’un homme triste et atrabilaire, pendant que dans le fait je n’étais qu’un gai et jovial garçon de la plus belle santé et de la meilleure humeur ; que je m’étais plongé dans le sang sans avoir aucun droit à ce triste plaisir, moi qui, de toutes les sociétés savantes de l’Europe, ne suis encore que membre très-innocent de la société d’Agronomie pratique qui m’a fait l’honneur, il y a deux mois, de m’admettre dans son sein, le jour même où M. Etienne fut reçu.

Cet air fâché de la Critique me fit grand mal ; je vis renaître le sourire sur ses lèvres quand, pour m’excuser de l’affreux cauchemar que je m’étais donné à moi-même, je lui racontai que pour n’être pas la dupe de ces émotions fatigantes d’une douleur factice, dont on abuse à la journée,