Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/136

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suivre jusqu’au bout, témoin impassible et persévérant, la destinée d’une jeune fille ; et quelle fille ? une villageoise de Paris ! Cependant j’entrai dans le jardin du cabaret ; il faisait chaud ; c’était une chaleur d’automne, un soleil lourd et pesant, contre lequel on est mal défendu par une feuille jaunie et fanée. Je m’assis à ma table accoutumée, j’y avais tracé autrefois mon chiffre artistement enlacé dans un L gothique ; ce chiffre existait encore, mais il était à moitié effacé ; d’autres chiffres l’entouraient, plus nouveaux et aussi fragiles. Que d’heureux moments j’avais passés à cette table ! Quelles tranquilles contemplations ! Que de fois, à cette place même et sur ces branches immobiles, n’ai-je pas vu se balancer le frais tissu et le léger chapeau ! Quelle belle foule remplissait naguère ces beaux lieux ! Mais aujourd’hui le Bon Lapin était presque désert, le printemps avait emmené avec lui les ombrages et les amours du petit jardin ; il n’y avait tout au fond de la charmille à demi dépouillée, qu’une espèce de femme richement vêtue, dédaigneuse et comme il faut. — Une dame ; — elle était assise en face d’un beau jeune homme qui paraissait lui parler chaudement et qu’elle écoutait avec dédain, sans l’écouter.

L’attitude nonchalante de cette femme attira mes regards,