Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/137

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ses formes élégantes me firent désirer de voir son visage ; je ne sais quel vague pressentiment me disait que j’allais la reconnaître ; mais j’avais beau regarder, elle ne se retournait pas. Cependant, par la porte du jardin, restée entr’ouverte, un homme infirme et pauvre, que soutenait une vieille femme toute chancelante elle-même sur son bâton, se présenta pour demander quelque aumône. La tête de ce vieillard était belle et sereine, son ton était décent, sa voix n’avait rien de plaintif ; j’en eus pitié. Quand il eut enfermé mon aumône dans la poche de sa femme, il alla tendre, à la dame du bosquet, sa main nette et tremblante ; mais la dame impatientée le repoussa d’un geste impérieux et dur ; le vieillard, facilement découragé, se retirait humblement, lorsque, regardant de plus près cette dame sans pitié : — Ma femme, dit-il à sa compagne, ne croirait-on pas que c’est là notre enfant ? En entendant son homme parler ainsi, la pauvre femme poussa un gros soupir ; au premier coup d’œil elle avait reconnu leur fille. À la vue d’Henriette, son vieux père abandonné la voulut embrasser et lui tout pardonner ; mais elle se détourna avec dégoût : — Au nom de ton vieux père, mon enfant, reconnais-nous encore, nous qui t’avons tant pleurée ! et elle détournait les regards. —