Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/139

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notre Henriette pour la promener ; nous aimions tant cette enfant, que plus d’une fois j’ai porté moi-même la charge de Charlot pour que Charlot pût porter notre fille. Un beau jour, je m’en souviendrai toute ma vie. Charlot et ma fille s’en allèrent de chez moi pour ne plus revenir ; ma femme pleurait son Henriette, moi je pleurais Henriette et Charlot ; l’enfant nous donnait du courage, le grison nous gagnait notre pain ; nous avons tout perdu le même jour, et me voilà avec une besace et un bâton.

— Pauvre, pauvre Henriette ! reprit la vieille femme.

— Oui, pauvre Henriette ! et pauvre, pauvre Charlot ! ajouta le vieillard, car j’imagine qu’il a fait une triste fin.

— Hélas oui, une triste fin ! repris-je. Je l’ai vu mourir ; pour me divertir un instant on l’a fait dévorer par des chiens.

Les deux vieillards reculèrent de trois pas comme s’ils avaient vu une bête féroce.

C’est en vain que je voulus les rassurer et les retenir, je ne pus me faire entendre ; ils s’éloignèrent plus indignés de ma barbarie que de celle de leur enfant.

En effet, de quel droit leur causer cette horrible