Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/138

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Au nom du ciel, disait la mère, reconnais-nous, nous qui te pardonnons !.. Toujours le même silence. J’étais hors de moi. Je me levai : — Au nom de Charlot, m’écriai-je, contemplez votre vieux père à vos genoux ! Les deux vieillards tendaient les bras ; mais au nom de Charlot elle s’était levée, et, sans jeter même un regard de pitié sur ces vieilles mains qu’on lui tendait uniquement pour l’embrasser, elle sortit brusquement du jardin ; l’honnête et amoureux jeune homme qui la suivait avait l’air consterné.

À peine sa robe blanche avait-elle dépassé la porte, que le vieillard, s’asseyant à mes côtés et d’un air à peu près riant : — Vous avez donc connu notre Charlot ? me dit-il. — Si je l’ai connu, brave homme ! j’ai mieux fait que de le connaître, je l’ai monté, et sans faire tort à personne, je suis témoin que c’était un digne baudet.

— Ah ! oui, un digne baudet, reprit le vieillard, un grison qui portait vingt charges de fumier par jour ! ajouta-t-il en vidant le verre de sa fille et en mangeant le pain qu’elle avait laissé.

— Comment donc se fait-il, mon brave homme, que vous ayez perdu ce digne compagnon ?

— Hélas ! Monsieur, ma femme le prêtait souvent à