Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/176

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Ainsi parla le jeune homme ; et quand, à la fin de son discours, il se vit l’objet de l’attention qui durait encore, son visage devint couleur de pourpre, il se retira vivement du fauteuil sur lequel il se penchait, et sans le vouloir il effleura de sa joue la joue de la jeune femme qui était assise devant lui. Je remarquai à ce sujet que cette rougeur était contagieuse ; et de fait, c’était plaisir de voir ces deux jeunes têtes s’animant tout à coup du même incarnat de leurs vingt ans.

Quand l’assemblée fut un peu revenue de ces récits étranges, la discussion recommença de plus belle ; les adversaires de la peine de mort n’avaient rien à opposer à de pareils arguments. Pendant qu’ils se creusaient la tête pour trouver quelques réponses plausibles, les partisans timorés de la mort légale, un instant battus, et qui avaient craint jusqu’alors d’être taxés de cruauté, revenant à la charge avec plus de vigueur, ne mettaient plus de fin à leurs démonstrations. C’était à qui se souviendrait d’être mort au moins une fois en sa vie. L’un, au bois de Boulogne, était tombé percé d’un coup d’épée, et il se rappelait fort bien que le froid du fer n’était pas une sensation désagréable ; l’autre avait reçu une balle en pleine poitrine, sans ressentir le moindre mal ; celui-ci avait fait une chute qui lui avait fracassé le crâne, et il n’en conservait