Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/185

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créatures maudites ! Elles auraient pu être l’honneur de la jeunesse, l’orgueil du foyer domestique, la force de l’âge mûr, la consolation du vieillard ; elles ont tout dévoré avant vingt ans, jeunesse, vertus, beauté, famille, l’amour et le mariage, l’enfance et la vieillesse ; elles ont prodigué, elles ont vendu pour rien, elles ont changé contre des ulcères tous ces biens précieux qu’elles avaient reçus de Dieu en partage, la grâce, la jeunesse, le sourire, la santé, le bonheur ! Oh ! vraiment, c’est horrible, horrible ! — Tout à coup, à un signal donné, les jeux s’arrêtent, un grand silence remplace ce grand bruit, toutes ces femmes se mettent en ordre, et elles se traînent, l’une après l’autre, pour se rendre où le médecin les attend.

C’était au lit de misère. Ce lit de misère occupe une petite salle basse, éclairée d’une seule fenêtre qui donne sur un égout ; les murs en sont grisâtres, bizarrement ornés par quelques figures obscènes échappées à l’oisiveté des malades. On a placé sur le lit une mince paillasse recouverte d’une toile noire ; à côté de ce grabat sont semés çà et là, dans un triste pêle-mêle, toutes sortes d’instruments tranchants. Cependant on apporte un réchaud rempli de feu ; dans ce feu rougit le fer ; autour du lit se tiennent de vieilles habitantes de l’endroit, incurables