Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/184

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conjugal, se tenait immobile comme une statue de Niobé, attendant, dans un lit misérable, une place à côté de quelque prostituée. Quoi ! la femme qui nourrit un enfant de son lait ; quoi ! la jeune fille qui s’abandonne à son amour ; quoi donc ! l’honnête femme qui se fie à son mari ; quoi ! celles-là aussi atteintes de cet horrible mal ? Malheureuses ! et plus à plaindre cent fois que les autres malades, que d’ici vous entendez rire aux éclats dans les dortoirs. Celles-là, elles sont chez elles, elles font de l’hôpital une maison de plaisance, un lieu de repos. J’entrai dans le dortoir : la salle est immense ; on riait aux éclats, on jouait à mille jeux ; les unes se faisaient belles avec un voile de laine, les autres se paraient avec un peignoir ; les plus jeunes, à moitié nues, se disputaient à qui était la plus jeune ; d’autres juraient affreusement ou chantaient d’une voix rauque quelque chanson d’ivrognerie et de débauche. Autant les hommes, habitants de ces demeures, étaient laids et pâles et découragés, autant la plupart de ces femmes étaient encore fraîches et blanches et heureuses. Malheureuses femmes ! assez belles pour être belles même là ! assez insouciantes pour chanter encore, là ! assez fortes pour rire de toutes ces tortures ! Mon Dieu, quels trésors de beauté tu leur as donnés dans ta colère ! Pauvres