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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/191

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pas donnée à ses compagnes d’infortune ou que celles-ci n’eussent pas dérobé, et elle restait assise sur la borne, les pieds dans de vieilles pantoufles qui prenaient l’eau de toutes parts.

— Montez toujours, Madame, lui répondis-je ; vous me paierez si vous pouvez. Je me plaçai entre ces deux femmes. Au même instant, toutes les filles guéries sortaient ce jour-là de l’hôpital. On n’eût jamais dit, à les voir si alertes, par quelles horribles épreuves les malheureuses avaient passé. Elles riaient, elles sautaient, elles chantaient : Vive le vin et vive l’amour ! Elles rentraient à la fois dans le monde et dans la débauche. — À quoi donc sert cet horrible mal ? La plupart de ces femmes libérées étaient reçues avec transport par des hommes à figures équivoques ; le cabaret voisin retentissait de cris de joie, les fiacres se remplissaient ; dans la foule, quelques vieilles femmes à l’air ignoble venaient reprendre leurs captives, de pauvres filles qu’elles avaient achetées au pays de Caux, dans tout l’éclat virginal de la vingtième année, que la maladie avait enlevées à ces galères abominables, et qui n’avaient pas fait tout leur temps.

— Où allons-nous, Madame ? demandai-je en m’a-