Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/197

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

l’hôpital, elle avait encore une charmante petite maison, si coquette, si riante, si élégamment vicieuse, qu’on lui pardonnait son vice. Dans cette maison tout à elle, elle était reine ; elle avait, pour parer et doubler sa beauté, la dentelle et le velours, l’or et la soie ; son pied se posait à peine sur les tapis chargés de fleurs. Elle se souriait à elle-même dans des glaces brillantes ; son œil se reposait nonchalamment sur les chefs-d’œuvre du siècle passé : les amours qui voltigent, les bergers qui soupirent, les bergères qui étalent sur le fin gazon leur petite jambe effilée. Les meubles les plus rares paraient cette demeure somptueuse : les vieux bronzes, les marbres polis par le temps, les pendules qui chantent et qui marquent à coup sûr l’heure d’aimer ; mille parfums invisibles circulaient entre ces murailles profanes, comme circule le sang dans le corps ; l’écho rieur et discret murmurait tout bas de tendres paroles ; dans les corniches, s’entendait, en prêtant bien l’oreille, le bruit des baisers. Dans cette maison, le monde entier avait envoyé ses dépouilles opimes : la Chine, ses vieux laques licencieux et grimaçants ; l’Angleterre, son argenterie tourmentée et bizarre ; Sèvres, ses nobles porcelaines plus précieuses que l’or ; les vieux châteaux royaux, leurs mille