Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/198

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fantaisies sans nom, mais non pas sans grâce. Des serviteurs peu nombreux, mais bien dressés, s’empressaient autour de l’idole ; elle avait, pour garder sa porte, une vieille femme, tour à tour et selon le besoin, duègne sévère, engageante matrone ; elle avait, pour monter derrière sa voiture, un beau paysan de Vanves, qui s’était corrompu comme elle et qui portait la même livrée ; elle avait, pour la flatter le matin et le soir, pour lui prêter sa gaieté, sa science et sa piquante effronterie, une jolie fille de seize ans, soubrette pleine d’avenir et qui bientôt allait faire du vice pour son propre compte. Sa cuisine était brûlante, son salon était calme et frais, sa chambre à coucher était entourée de jasmins et de roses, son alcôve était muette, sa porte discrète, sa fenêtre curieuse. Là, sa beauté était dans toute sa puissance, dans tout son éclat ; elle avait tout l’attirail nécessaire à cette exploitation ; elle ne pouvait pas être, c’était impossible, plus parée, plus fêtée, plus ménagée, plus flattée, plus reposée ; elle ne pouvait pas désirer ni un bain plus tiède, ni un lit plus doux, ni un vin plus généreux, ni une table mieux servie, ni une obscurité plus habile. Ainsi entourée, ainsi logée, ainsi exploitée, la plus médiocre