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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/202

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se levait, toujours aussi dédaigneuse et aussi insolente ; elle sortait comme elle était entrée, avant la fin de l’air commencé ; elle avait l’air de dire au comédien qui chantait : — Je te rends ton auditoire ; — aux plus belles dames de la salle : — Mesdames, reprenez vos amants et vos maris ; je n’en veux plus. Et qu’importe ? si elle l’eût voulu, chaque soir elle eût trouvé, au bas de l’escalier, un nouveau Raleigh pour étendre son manteau sous ses pieds.

Mais, arrivée au comble de sa beauté et de son insolence, la malheureuse fille ne sentit pas que la tête lui tournait. Comme rien ne la pouvait guider, ni son esprit ni son cœur, elle se trouva tout d’un coup égarée sans retour. Elle se jeta à plaisir, et avec une profusion insensée et à corps perdu, dans tous les excès de la vie sans frein et sans règle. C’est là d’ailleurs une des infinies prévoyances de Dieu, que la modération dans le vice soit impossible ; et voilà pourquoi le vice, comme la gloire, est chose passagère et périssable. Ainsi, la malheureuse, elle aussi, après ses triomphes, elle eut son Waterloo et son île Sainte-Hélène sur les hauteurs de la rue Saint-Jacques. Oh ! les malheureuses ! il leur faut si peu de chose pour être vaincues ! une ride légère, une dent qui se noircit, quelques cheveux qui