Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/201

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parterre la pût admirer tout à l’aise, et pour s’assurer elle-même que nulle femme n’était plus belle qu’elle-même ; son regard était insolent, son sourire était une insulte. Elle prodiguait tout haut aux plus honnêtes femmes les plus amères railleries, railleries d’autant plus cruelles qu’elles étaient accueillies par le brûlant suffrage de quatre ou cinq épées toutes prêtes à tout soutenir. Au plus fort de l’hiver on lui apportait des roses en pleine loge, et elle choisissait parmi ces roses les plus fraîches, jetant les autres à ses pieds. À la vue de cette femme si insolente et si belle, les vieillards oubliaient leur sagesse, les nouveaux mariés oubliaient leur jeune épouse ; les femmes sans reproche, voyant le vice triomphant et plus entouré que la vertu, se demandaient avec inquiétude si elles n’étaient pas les dupes de leur propre retenue. Garcia lui-même oubliait de chanter, à la vue d’une femme plus belle que la Desdémona, ce beau marbre inspiré. — Elle, cependant, habituée à ces triomphes, recevait dans sa loge tous les hommages : les beaux esprits, les militaires, les savants, les poètes, les jeunes écoliers échappés à leur maître, tout lui était bon, pourvu que la foule qui l’entourait fût illustre. Puis, au moment où la foule était le plus empressée, elle se