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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/221

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En même temps je jouais avec ma bourse, et machinalement, je la versai sur le marbre de la toilette, séparant l’or de l’argent, et l’argent de la petite monnaie ; Sylvio rêvait toujours.

Je le tirai brusquement de sa rêverie : — Sais-tu bien au juste quel est le prix vénal de la femme que j’aime et pour qui je meurs, Sylvio, toi qui aimes tant les femmes ? m’écriai-je en éparpillant mon argent sur le marbre.

Je n’eus pas de réponse de Sylvio.

— Sais-tu bien, repris-je, ce que vaut une femme ? je veux dire une charmante et idéale créature, telle que tu n’en as pas même rêvée dans tes songes, une jeune fille rose et fraîche et blanche, vingt ans à peine, doucement épanouie sous ses beaux cheveux, comme une rose aux cent feuilles ; une femme que j’ai vue, il n’y a pas un an, courant au soleil dans la plaine de Vanves et ne s’inquiétant que de son âne et de son chapeau de paille ? Sais-tu à quoi elle s’est estimée, cette heureuse villageoise qui eût fait honneur à un grand d’Espagne, une belle fille que j’adorai à son premier regard ? Sais-tu avec combien d’argent, toi, moi, lui, tout le monde, nous pouvons arriver jusqu’à elle, le sais-tu ?

Le jeune homme m’écoutait en tremblant : — Celle