Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/223

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et le voilà aujourd’hui brisé sous la honte qu’il n’a pas faite ! Toute la terre peut posséder sa maîtresse, excepté lui, et il va mourir de rage sur le seuil de cette porte ! Encore s’il n’avait pas d’argent dans sa bourse ! mais, à cette heure, il a de quoi payer vingt fois celle qu’il aime ! Il tient là cette femme vénale sur ce marbre ; il peut acheter, s’il le veut, trois mois de la vie de cette femme, et à la fin du bail le renouveler encore pour trois mois ou pour une heure, et mon lâche se lamente sans parler, sans agir ! C’est bien le cas de dire comme Yago : Mettez de l’or dans votre bourse, seigneur Roderigo ! Mais cependant, moi, moi, Sylvio l’innocent, Sylvio la demoiselle, nous allons voir ta maîtresse, et pour que tu fasses bien les choses jusqu’à la fin, nous prendrons tes pièces d’or, car c’est seulement en empruntant ta bourse que nous commettrons un adultère. Ô pauvre homme ! pauvre patient ! Allons, réveille-toi ; allons, je ne veux pas te faire outrage, je veux avoir cette belle pour mon argent ! Je veux voir, me dit-il d’un ton plus radouci, je veux voir à quelle passion tu t’es livré, je veux pouvoir te dire ce qu’il y a de bonheur et de repos dans les bras de cette femme ; si toi seul tu n’oses pas l’acheter, je veux l’acheter pour toi ; après quoi, je reviendrai te dire si elle vaut tous ces regrets,