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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/235

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Bien plus, dans le fond de son esprit, l’oncle, qui était un bon homme, n’aurait pas été fâché de faire cadeau de cette tête à son neveu, et de laisser vivre cette femme pour encourager l’éloquence naissante du jeune Cicéron ; mais quoi ! les faits étaient prouvés, et l’accusée elle-même, de la plus douce voix, disait :

J’ai tué cet homme !

Oh ! malheur sur moi ! À présent que je me rappelle toutes ces affreuses circonstances, moi, je puis dire à coup sûr : J’ai tué cette femme ! Moi, en effet, moi seul, je pouvais la défendre, moi seul je savais sa vie, moi seul je pouvais dire par quelle pente fatale, inévitable, la malheureuse créature était arrivée sur ces infâmes bancs des assises ; moi seul je savais ce qui l’avait perdue, le voisinage de Paris, qui envoie dans les villages qui l’entourent ses fumiers et ses vices de chaque jour ; Paris, corrupteur de toutes les innocences, qui fane toutes les roses, qui flétrit toutes les beautés ; insatiable débauché ! si redoutable à ce qui est pur et sans tache. Moi seul, si j’avais, en effet, raconté au tribunal, et comme je la savais, la vie de cette fille, ses alternatives cruelles de misère et d’opulence, de flatterie et d’abandon, si je l’avais montrée, aujourd’hui couverte de baisers, le lendemain couverte de boue ; si j’avais crié aux