Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/234

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par lueurs ; tout était mort chez elle, cœur, âme, intelligence, esprit, vertu, passion. Aussi quand elle parut devant ses juges, en avouant son crime, sa cause fut-elle désespérée tout d’abord. La défense de cette malheureuse créature avait été confiée à un jeune avocat en herbe, le propre neveu de M. le procureur du roi ; c’était une tête de vingt ans, avec laquelle le jeune orateur allait faire son apprentissage. Que vouliez-vous que cet enfant en robe et en bonnet carré pût comprendre à la vie de cette pauvre créature ? Je pense même que cette femme lui faisait peur, et que dans sa prison il n’était guère à l’aise quand il était seul avec elle. Ce jeune stagiaire, que son oncle avait gratifié d’un meurtre à défendre, pour commencer, défendit cette fille d’après toutes les règles qu’il avait apprises dans les rhétoriques. Il avait écrit son exorde d’après le quousque tandem ; il avait évoqué dans sa péroraison tout ce qu’il pouvait évoquer de plus lamentable ; il avait été pathétique à la façon des plus grands orateurs d’autrefois ; son bon oncle, dans sa réplique, avait rendu justice au jeune orateur ; mais, dans cette joute de l’oncle et du neveu, la vie de cette jeune femme ne comptait pour rien ; c’était tout au plus une question de politesse, ou tout au moins une question de vanité. Bien