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Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/24

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cette nature, qui est la nature de tout le monde, nous paraît fade aujourd’hui ; elle est d’un trop difficile accès pour qu’un écrivain qui sait son métier s’amuse à cette poursuite, avec la certitude de n’arriver, en dernier résultat, qu’au ridicule et à l’ennui. Parlez-moi au contraire d’une nature bien terrible, bien rembrunie, bien sanglante : voilà ce qui est facile à reproduire, voilà ce qui excite les transports ! Courage donc ! le vin de Bordeaux ne vous grise plus, avalez-moi ce grand verre d’eau-de-vie. Nous avons même dépassé l’eau-de-vie ; nous en sommes à l’esprit-de-vin ; il ne nous manque plus que d’avaler l’éther tout pur ; seulement, à force d’excès, prenons garde de donner dans l’opium.

D’ailleurs, qu’est-ce que la coupe même de Rodogune et le poison aristotélien qui la remplit jusqu’aux bords, comparés à des flots de sang noir qui se tracent un sillon obstiné dans la poussière, pendant qu’autour du cirque romain, les chrétiens, brûlés vifs dans leur enveloppe de poix et de soufre, servent de flambeaux à ces combats nocturnes ; pendant que le robuste athlète, terrassé et cherchant de son dernier regard le doux ciel de l’Argolide, ne rencontre que le regard avide de la jeune vierge romaine dont la main blanche et frêle le condamne