Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/240

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

dans la terre, à l’angle d’une cour abandonnée ; à l’entrée du soupirail, un banc vermoulu et recouvert d’une mousse épaisse comme d’un beau tapis vert, me permettait de m’asseoir et de plonger tout à l’aise mon regard perdu dans ce néant. Je connais ce banc comme je connais le banc de pierre hospitalier de la maison paternelle ; je vivrais mille ans, que je pourrais décrire encore ce bois recouvert de la mousse verdâtre et gluante qui suinte dans les prisons. Le temps et la mauvaise saison avaient creusé ce banc à moitié ; on eût dit une auge ou un cercueil ; à son extrémité et du côté du soupirail, ce chêne vermoulu offrait une large fente, dans laquelle je pouvais placer ma tête, sans projeter d’ombre dans le cachot, sans avoir peur d’être découvert. Grâce à ce bois creusé, grâce à cette fente propice, ce banc et moi c’était même chose. Du creux de cet observatoire, je pouvais étudier à toute heure cette morte qui palpitait, qui pensait encore dans cette tombe. J’étais couché à cette place des journées entières ; cette cour entourée de fortes murailles était devenue mon domaine ; à force de protections, j’étais presque regardé comme un guichetier surnuméraire : voilà comment chaque jour je pouvais à mon gré étudier les moindres mouvements de ma captive.