Aller au contenu

Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/249

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

longuement qu’elle pouvait être sauvée. Je ne sais quelles furent ses paroles, elles n’arrivaient pas jusqu’à moi ; mais enfin elle eut l’air de consentir à tout ; elle ne retira pas sa main des mains de cet homme ; ils convinrent tout bas d’une heure plus favorable ; alors il voulut l’embrasser, mais elle recula d’épouvante ; il sortit enfin, toujours avec cet horrible sourire qu’il avait sténographié sur son horrible visage.

Mon Dieu ! à cette vue j’eus besoin d’appeler tout mon courage à mon aide. Quoi ! dans son cachot ! sur son lit de mort ! son geôlier ! — et encore quel geôlier ! J’étais fou ; fou de malheur, de désespoir, d’étonnement, de rage ! Je croyais tous les filons de la douleur épuisés, et voilà une mine toute nouvelle de corruption ! Je croyais cette longue débauche à sa fin, et la voilà qui recommence de plus belle ! Je me contentais de la laideur morale, elle devait me suffire et au delà, et voilà que, si je veux, je peux assister à l’accouplement de la laideur physique avec la laideur morale, d’un bourreau avec un meurtrier, d’une femme sans cœur avec un homme difforme ! — Et quand ? et quel jour ? et à quelle heure ? Ce soir, tout à l’heure, à présent peut-être ! Et je restais cloué sur mon banc, sans pouls, sans haleine, ému, éperdu. J’aurais donné mon âme, oui,