Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/250

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mon âme, prends-la, Satan ! pour que mon regard ébloui pût franchir les ténèbres épaisses de cet affreux cachot ! Que va-t-il donc se passer dans ces ténèbres ? Oh ! malheur à moi qui ai permis à cette femme de se perdre ainsi ! Malheur à moi qui n’ai pas ramassé cette perle dans son fumier ! Mais, Dieu merci ! il fait jour ; silence ! on vient ! La porte s’ouvre, non pas brusquement sous la main brutale du geôlier, mais avec tant de respect que déjà l’amant se devine. C’était bien pourtant le même homme de la veille. Henriette, en le voyant, se pressa au fond de son cachot ; outre la pitance accoutumée, l’homme tenait à la main une botte de paille fraîche, qu’il étendit gravement sur la vieille paille ; puis il sortit impassible et sans même adresser un regard à sa prisonnière. J’entendis le son lointain des verroux qui se refermaient ; je respirai plus à l’aise : Dieu merci ! ce n’était pas encore pour aujourd’hui.

Mais bientôt, après cet instant de calme, l’inquiétude me reprit. Si le geôlier m’avait aperçu ! si c’était pour demain, pour ce soir peut-être ? Il faisait nuit — une de ces nuits trop noires même pour les amants, trop noires même pour le meurtre. Je ne pouvais pas dormir, un pressentiment invincible me poussait ; je descendis à tâtons dans la cour ; l’air était glacé ; le brouillard s’était