Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/252

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Que voulez-vous ? cet homme était son dernier esclave, son dernier amour, son triomphe suprême, le triomphe d’une femme à peu près morte ! La lampe étant posée à terre, torche digne d’un pareil hymen, le geôlier s’avançait d’un pas sûr, sa main pressait déjà cette taille charmante, son horrible visage s’approchait déjà de ce doux visage ; et moi ! moi, je voulais crier, je ne pouvais pas ; je voulais m’enfuir, mes membres étaient glacés ; je voulus détourner la tête, ma tête était fixée là, attachée, clouée, invinciblement forcée de tout voir ; j’allais mourir, quand heureusement la lampe s’éteignit : tout disparut ; je ne vis plus rien, je n’entendis plus rien, je n’imaginai plus rien. Mon Dieu ! le plus grand de tes bienfaits envers l’homme, c’est la folie ou le délire : tant de malheur le tuerait !

Pendant quinze jours j’eus le délire. Quinze jours après je pus m’expliquer ce mystère : Sylvio, pour me faire revenir à moi, fut obligé de me parler d’elle et de la trouver la plus belle et la plus charmante des femmes. — Redis-moi, lui disais-je, bon Sylvio, que tu n’as jamais vu une créature plus accomplie. — En effet, disait Sylvio, elle est la plus belle du monde, et je pense qu’on a eu pitié d’elle et qu’on ne la fera pas mourir. — À ces mots, la fièvre me reprit : — ne pas mourir !