Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/288

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l’heure sonne, et il bénit le ciel qui lui accorde cette heure encore.

Ainsi les heures, les jours, les mois s’étaient enfuis sans que je me fusse rappelé, sinon confusément, le destin d’Henriette. Henriette ? N’est-ce pas cette femme qui doit être morte à présent ? Enfin, un soir, tout à coup, par je ne sais quelle prescience fatale, et comme réveillé en sursaut, je comptai les mois, je comptai les jours, je comptai deux fois, et soudain je me précipitai vers la Bourbe. On n’y entrait pas le soir ; j’y retournai le lendemain de très-bonne heure ; on n’y entrait pas si matin ; j’attendis à la porte. Si je comptais bien, l’enfant d’Henriette devait donc avoir vu le jour ! La fatale sentence était prononcée sans appel ; le triste sursis était épuisé ; la condamnée était mère, elle n’avait plus qu’à mourir. Triste et impuissante maison, qui ne peut pas arracher au bourreau la nourrice que le bourreau réclame ! Elle est bien nommée : La Bourbe.

La Bourbe est le dernier refuge des filles pauvres qui sont devenues mères, des jeunes épouses dont le mari est un joueur, des femmes condamnées à mort que le bourreau attend à la porte. À la Bourbe, la misère enfante la misère, la prostitution enfante la prostitution, le crime enfante le crime. Les enfants qui viennent au monde sur ces