Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/289

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lits lamentables, n’ont pas d’autre héritage à attendre que le bagne ou l’échafaud. C’est là leur majorat, c’est là le domaine qui leur est substitué, c’est là leur droit le plus clair. Quand une femme a fait un enfant à la Bourbe, la Bourbe lui accorde trois jours de repos, après quoi elle met à la porte la mère et l’enfant ; seulement, par une précaution philanthropique, on a placé, comme succursale de la Bourbe, le tour des enfants trouvés ; presque toujours, ce pauvre enfant que la Bourbe vomit par une porte, elle le reçoit par l’autre porte... Je demandai à voir la condamnée ; je la vis : elle portait sur sa figure douce et résignée, cette extraordinaire blancheur qui, pour une jeune mère, est souvent une douce compensation de tous les maux qu’elle a soufferts ; elle était assise dans un grand fauteuil, et, la tête baissée, elle allaitait son enfant. L’enfant s’attachait avec une ardeur ravissante au sein inépuisable de sa nourrice. Ce sein était blanc, nuancé de bleu, et il était facile de juger que c’était celui d’une bonne nourrice, d’une femme jeune et forte, faite pour être mère. Ce mot de mère a quelque chose de respectable partout, même à la Bourbe. Une femme qui livre à l’enfant sa mamelle remplie, la vie chancelante de la frêle créature qui dépend de la vie de sa mère, cette protection attentive et tendre qu’une mère