Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/290

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seule peut donner, ce petit cœur qui commence à battre sur ce grand cœur, cette âme naissante repue de lait et couverte de baisers, que la mère berce doucement sur son sein, en la tenant de ses deux mains jointes ; oui, certes, c’est alors qu’on oublie tous les crimes d’une femme, ses trahisons, ses coquetteries, ses faiblesses, son incroyable délire, ce fatal aveuglement qui les pousse ainsi à leur ruine les unes et les autres ; pauvres femmes condamnées à l’avance ! Oui, l’amour maternel doit suffire à expier tous ces amours ; une goutte de lait doit laver tous ces parjures. Bien plus, si cette femme a tué un homme, ne vient-elle donc pas tout à l’heure de rendre à la terre un homme ? et encore un homme qui sera plus jeune et plus beau et plus fort ? Ainsi j’entrai à la Bourbe le matin même du jour où Henriette allait mourir. Son calme, son attitude, sa faiblesse, sa beauté, et tout ce que je savais de ses premiers instants dans la vie et de ses horribles malheurs... que vous dirai-je ? je fus prêt à sangloter. Je priai la sœur de charité de nous laisser seuls ; je lui dis que j’étais le frère de la victime, que je voulais lui parler sans témoins : la bonne sœur s’éloigna en se disant. — Éloignons-nous, il n’est peut-être pas son frère. L’enfant d’Henriette s’était endormi sur le sein de sa mère sans le quitter.