Page:Janin - L’Âne mort, 1842.djvu/292

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pu être ma femme, élever notre jeune famille, être heureuse longtemps, honorée toujours, et, vieille grand’mère aux cheveux blancs, mourir sans douleur par une belle soirée d’automne, au milieu de tes petits-enfants ; encore quelques heures, et adieu ! adieu, pour jamais !

Elle était muette toujours ; elle pressait son enfant sur son cœur sans me répondre ; elle pleurait. C’étaient les premières larmes que je lui avais vu répandre ; je les voyais couler lentement, son enfant les recevait presque toutes : ainsi baigné de ces larmes qui la rachetaient, cet enfant, je le regardais comme à moi !

— Au moins, dis-je à Henriette, ce jeune enfant sera mon fils.

La pauvre femme, à ces mots, se hâta d’embrasser la chère créature, et déjà elle me la tendait dans un mouvement convulsif, mais la porte s’ouvrit que ma phrase n’était pas finie. — Cet enfant est à moi, s’écria d’une voix rauque un homme qui entrait. Je retournai la tête, je reconnus le geôlier de la prison ; il était toujours aussi laid, mais moins hideux. — Je viens chercher mon enfant, dit-il ; je ne veux pas que ce soit l’enfant d’un autre ; si je n’ai plus ma geôle à lui donner, comme mon père me donna la sienne, il portera ma hotte